Coiffures, courbes, lèvres, quand les stars copient les femmes Noires

En janvier 2018, la star de télé-réalités Kim Kardashian en se tressant façon «tresses Fulani», comme le font les femmes noires, se faisait lapider par les internautes pour avoir fait un clin d’oeil sur un post, à l’actrice Bo Derek coiffée comme elle quarante ans plus tôt. Avec son texto «Bo West»  La fille de Kris Jenner relançait sans le savoir une nouvelle polémique sur la récupération culturelle . Mais cette mode de copier le style des femmes noires ne s’arrêtent pas seulement à Kim Kardashian West.

Les internautes très attentifs à toutes revendications identitaires sur les réseaux sociaux  n’apprécient pas et le font savoir avec virulence quand d’autres, plus tolérants, évoquent les effets du métissage ou d’une liberté créatrice, tout simplement. Evolution de la mode, enrichissement culturelle ou appropriation culturelle, personne n’est insensible à cette question. En attendant les créateurs, stylistes et coiffeurs de mode, prennent toute liberté avec les coiffures dites africaines, tresses twistées, sur le crâne, libre ou voire même afro sur les «chevelures blanches».

Kim Kardashion West  – Bo Derek actrice dans le film Elle de Blake Edwards (1979)

Les exemples sont nombreux depuis quelques années et sur tous les catwalks, on voit de plus en plus de Top models coiffées de turban, de foulard colorés noués comme le réalisent les expertes du Maré Tèt aux Antilles, en Amérique ou en Afrique.

En septembre 2017, le défilé de Marc Jacobs  illuminait les podiums de la mode avec des couleurs vives agrémentés de turbans et des mannequins caucasiennes aux yeux de Néfertiti.

A la Fashion Week d’Elie Saab Printemps-été 2020, le magazine Elle s’enthousiasmait sur les nouvelles tendances de coiffure : «Turban, bandana, ou encore tresses twistées, les experts capillaires nous délivrent leurs astuces pas à pas pour réaliser ces coiffures à l’effet waouh. Pour bousculer notre routine, on s’inspire des mises en beauté aperçues sur les derniers défilés, qui font la part belle aux jeux de nouages.»

Défilé Elie Saab

Parmi les mannequins défilant pour la nouvelle collection de Christophe Guillarmé, on observe des jeunes filles soigneusement coiffées de nattes serrées sur leur crâne à l’Atelier Renault au Champs Elysées.

Collection Printemps-Été – Christophe Guillarmé

Porter un voile ou un turban, plus qu’une tradition peut être une source d’inspiration comme le fait la créatrice indonésienne Anniesa Hasibuan qui a fait du hijab sa marque de fabrique. A la dernière Fashion Week de New York, les mannequins portaient toute un voile gris, couvrant leurs cheveux. Du coup, ce sont les traits du visage des Tops et les créations qui étaient mis en valeur.

Collection Anniesa Hasibuan – Fashion Week New York

La mode du copié-collé ne concerne pas uniquement les coiffures et make up mais aussi les courbes, les lèvres et les fesses charnues des femmes d’origines africaines. Aux Etats-Unis, des chanteuses, des starlettes, adeptes de la chirurgie esthétique se font refaire leurs courbes, pour des fesses plus charnues et plus hautes.

Kim Kardashian West, star de «Keeping Up with Kardashian» diffusée sur la chaîne E!

Si l’appropriation culturelle met en évidence les marqueurs identitaires, la question posée ne résout pas tout. Par milliers et dans la caraïbe en passant par le continent africain, les afrodescendantes qui s’habillent à l’européenne (sans aucun doute, contraintes pendant la période esclavagiste), se lissent atrocement les cheveux et s’éclaircissent dangereusement leur peau sombre  pour répondre aux dictas de la société européenne. Sont-elle assimilées ou est-ce une stratégie d’intégration?

Kelly Vedovelli

Pour avoir quelques éléments de réponses, il faut décoder l’entretien du sociologue Eric Fassin dont le Monde du 24 août 2018, publie l’intégralité de son entrevue sur le thème de Immigration et Diversité : «… L’esthétique n’est pas extérieure à la politique. La création artistique doit revendiquer sa liberté mais elle ne saurait s’autoriser d’une exception culturelle transcendant les rapports de pouvoir pour s’aveugler à la sous-représentation des femmes et des minorités raciales. L’illusion redouble quand l’artiste, fort de ses bonnes intentions, veut parler pour (en faveur de) au risque de parler pour (à la place de)».

A la question faut-il étouffer le débat lorsque les communautés puissantes puisent dans les coutumes et les représentations culturelles des minorités? Le sociologue, Eric Fassin va de son commentaire : «Si l’appropriation culturelle est souvent au cœur de polémiques, c’est que l’outil conceptuel est inséparablement une arme militante. Ces batailles peuvent donc se livrer sur les réseaux sociaux : l’enjeu a beau être symbolique, il n’est pas réservé aux figures intellectuelles.»

Eric Fassin est sociologue et militant qui se revendique du courant gauchiste. Le professeur de sociologue enseigne à l’Université Paris VIII – Saint-Denis-Vincennes.

Dorothée Audibert-Champenois/Facebook Twitter C’news Actus Dothy                                         Site Web https://atomic-temporary-113009939.wpcomstaging.com/
Images Fashion Week paris/New York

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